Comment traiter l’Effet Coup de Fouet (Bullwhip Effect
dans une chaîne logistique?

Claude Balié Consultant

L’effet coup de fouet est un phénomène typique des chaînes logisitiques de commande. Il consiste en une amplification extraordinaire des variations de la demande au fur et à mesure que l’on s’éloigne du client final, le consommateur.

Cet effet est la résultante de plusieurs facteurs :

le degré d’imprécision de l’information, l’absence de transparence dans la chaîne logistique, de longs Lead-Time et surtout une déconnection prononcée entre la consommation (demande réelle du client) et la production (activité réelle de l’usine).


Figure 1 : Amplification de la demande et des variations de stocks le long d'une chaîne logistique. Plus on s’éloigne du client final, plus les variations sont fortes.

Ce phénomène n’est pas l’apanage des industries qui subissent de fortes fluctuations de leur demande, celles qui connaissent une forte saisonnalité par exemple.

Ainsi, le cas des couches de bébé de Procter & Gamble, étudié par le professeur du MIT Seungjin Whang, a illustré que même sur des marchés où la demande du consommateur final est stable, des variations de demande sont générées et sont accentuées le long de la supply chain.

C’est pourquoi, malgré une demande finale fiable et stable, certaines industries dépensent des millions d’euros dans une lutte permanente entre satisfaction des livraisons (assurées péniblement à grands frais de transports exceptionnels) et gestion de stocks minimums (qui connaissent de fortes fluctuations et des coûts de gestion élevés).

Et bien souvent les services logistiques de ces industries, s’épuisent sur les deux volets !

Les conséquences de l’effet coup de fouet sont :

  • Trop de stock
  • Pertes de ventes
  • Un mauvais service client
  • Une qualité insuffisante due aux multiples perturbations de flux et d’organisation

En somme, il produit une conséquence inacceptable : des pertes de bénéfices.

Quelles en sont les causes?

Généralement, les différents maillons d’une chaîne logistique n’ont accès qu’à une information parcellaire ou incomplète. Très souvent, il s’agit d’informations peu fiables : demande prévisionnelle éloignée de la demande réelle, livraisons des fournisseurs ne correspondant pas aux commandes, informations commerciales peu aisées à interpréter en terme de consommation. L’information est imprécise et pire encore, elle est déformée par les maillons successifs de la chaîne.

Un jeu logistique simule l’effet coup de fouet.
Il est généralement dénommé jeu de la bière. Il montre que l’effet coup de fouet résulte de deux causes principales :

  • de longs Lead-Time
  • du manque d’information fiable et de vision à long terme

Dans bien des cas, le manque de flexibilité et de souplesse des systèmes de production ne permet pas de produire efficacement (sans perte de productivité) des demandes fortement variables en volume et en variété.

Des stocks très importants et souvent mal contrôlés sont alors générés afin de pouvoir satisfaire ces demandes (long Lead-Time).

La moindre fluctuation de la demande provoque ou bien la peur de ruptures de livraison ou bien du surstock et très souvent les deux. En ricochet, des commandes altérées sont générées vers les fournisseurs.

Quatre comportements « classiques » développent et amplifient ainsi l’effet coup de fouet :

Commander et produire par lots " économiques" :

Les systèmes utilisant MRP fonctionnent avec cette méthode. Ils commandent un objet lorsque le lot « économique » est atteint, empêchant la reconstitution du stock sur la base de la quantité réelle consommée.

Malheureusement, les tailles de lot élevées provoquent une amplification des variabilités (augmentent les volumes et réduisent la fréquence des commandes), éliminant les gains initialement recherchés par le lot « économique ».

Jouer avec les stocks en situation de risque de rupture

Souvent la crainte d’une rupture provoque la création d’une commande double.

Cette décision provient souvent d’une information incomplète ou d’une mauvaise interprétation de l’évolution future.

Ceci conduit à craindre une rupture de stock, alors qu’en réalité celle-ci ne se serait pas produite et à générer une commande supplémentaire non nécessaire. Cette amplification se propage ensuite dans la chaîne provoquant effectivement ou bien des ruptures de livraisons ou bien un surstock.

Faire des promotions basées sur le prix des produits

Ce type de promotions provoque une anticipation sur des ventes futures (effet d’aubaine).

Elles ne créent pas ou peu de nouvelle consommation.

Comme les commandes par lots, elles génèrent des pics artificiels de demande qui sont suivis par des baisses.

Jouer avec les prévisions

Par nature, les prévisions ne peuvent pas être précises.

Les différences qui subsistent systématiquement entre besoin prévisionnel et besoin réel se répercutent toujours de façon amplifiée dans la supply chain, provoquant les risques de rupture et/ou les craintes qu’elles inspirent.

Même les meilleures prévisions, basées sur la consommation du client final, ne permettent pas d’éliminer l’effet coup de fouet.

Un comportement, commun dans l’industrie, vient empirer cette situation.

En lançant quotidiennement le système MRP, les logisticiens désirent assurer leur situation. Peine perdue, le mode de calcul du système (jouant sur les lots et l’avance/retard) perturbe les prévisions au lieu de les affiner, amplifiant certaines variations ou en générant de nouvelles.

 Quelles sont les solutions ?

Etant donné que le coeur du problème réside dans le manque et la mauvaise qualité des informations (à la fois peu fréquentes et peu crédibles) entre production et consommation, la première étape sera de rendre l’entreprise axée sur la demande (Lean Manufacturing et pull system).

Celle-ci, comme le précise Seungjin Wang, doit avoir une vision sur TOUTE la supply chain et savoir ce que vendent les détaillants. Ainsi, Procter & Gamble prend l’information de la consommation directement dans les caisses des supermarchés !

Plusieurs solutions existent :

  • Appliquer le Lean Manufacturing (flexibilité et souplesse de la production)
  • Réduire la confiance dans les prévisions
  • Accroître la transparence de l’information en faisant confiance dans les données provenant directement du Client final
  • Transmettre ces informations dans toute la chaîne afin d’éviter l’amplification des petites variations.
  • Réaliser des commandes avec un système informatique qui réduise les variations des commandes, travail sur des « périodes moyennes » (ce qui par ailleurs réduit les coûts administratifs de gestion).
  • Eviter les commandes par lots
  • Eviter les promotions sur les prix

Finalement, pour bien comprendre l’effet coup de fouet, il faut garder en mémoire qu’il est provoqué par la mauvaise prise en compte par la chaîne logistique de la demande réelle du client final.

En créant une organisation axée sur la satisfaction de la demande du client il est possible de gommer la plupart des impacts néfastes de l’effet coup de fouet.

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